Les entreprises canadiennes à croissance rapide dépendent de leur capacité à financer leur fonds de roulement et leur développement
Au-delà des banques : vers qui d’autre se tourner pour obtenir le capital dont votre entreprise a besoin?
Écrit par Jim McElgunn, Canadian Business Magazine, 19 juin 2012
[…] Dans le palmarès Profit 200 des entreprises à la croissance la plus rapide, 45 % réclament des crédits d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental (RS&DE). Au total, Ottawa a émis 3,6 milliards de dollars en crédits à 21 000 entreprises en 2011.
Malgré cela, l’Agence du revenu du Canada (ARC) estime que 40 % des entreprises admissibles au programme de RS&DE ne soumettent pas de réclamation. Pierre Savignac, président d’Emergex RS&DE Subventions (en 157e position sur notre liste), une firme de consultants basée à Montréal et spécialisée dans les programmes gouvernementaux pour les entreprises, affirme qu’une réclamation potentielle peut être trop petite pour qu’il vaille la peine de déposer une demande, en raison de la complexité, des efforts, du temps et des risques associés à la bureaucratie gouvernementale. Mais, il considère qu’il vaut la peine de réclamer tout crédit d’impôt d’au moins 50 000 $. Savignac conseille également aux entreprises de toutes les industries (même l’agriculture, les cosmétiques ou les ressources naturelles) d’évaluer leur admissibilité potentielle, même si celles-ci ne se considèrent pas comme technologiques.
D’autres formes d’aides gouvernementales sont populaires auprès des entreprises de Profit 200, 16 % d’entre elles ayant utilisé au moins un programme. Savignac souligne deux programmes auxquels des milliers d’entreprises seraient admissibles, mais pour lesquels elles font peu de demandes. Le premier est l’agence de développement économique pour chaque région, tel que Développement économique Canada pour les régions du Québec. Ces organisations accordent des prêts aux entreprises en période post-démarrage. Jusqu’à 50 % des coûts admissibles de l’infrastructure, de l’équipement et d’autres améliorations peuvent être financés. Le second est le programme de financement des petites entreprises du Canada, par lequel Innovation, Sciences et Développement économique Canada garantit 75 % du coût des prêts jusqu’à 500 000 $ pour de l’équipement, des biens immobiliers, des améliorations locatives, et d’autres actifs.
Selon Savignac, faire appel à ces programmes est moins laborieux qu’il n’y paraît, et les organismes gouvernementaux de financement sont heureux de visiter l’entreprise afin d’évaluer son admissibilité.
Bien avant de devenir entrepreneur, Kurt Hibchen a appris une leçon importante sur le financement des entreprises. Lorsqu’il travaillait en conception à l’Office national du film, Hibchen confia à un collègue sous-traitant que, bien qu’aimant le travail, il était mécontent que l’ONF ne l’ait pas payé à la date promise. « J’ai donc dit à l’ONF que je ne retournerais pas travailler jusqu’à ce qu’ils me paient, se souvient Hibchen. Ils n’arrivaient pas le croire, mais ils ont payé rapidement! »
« Nous sommes un fournisseur de services de design, pas une banque », déclare Hibchen, président et chef de la direction chez Toboggan, un designer d’expositions de musée se classant au 92e rang sur la liste Profit 200 de 2012 des entreprises à la croissance la plus rapide. « De nombreux propriétaires d’entreprises estiment que cette politique nuirait à leurs relations avec leurs clients. Mais ce n’est pas du tout le cas. Les clients finissent par te respecter davantage. »
La ligne dure adoptée par Toboggan n’est qu’une des nombreuses façons astucieuses que les entreprises de Profit 200 ont trouvée afin de relever le défi de trouver du capital d’exploitation et de développement. Votre entreprise est confrontée au même défi, quel que soit le secteur qu’elle exploite. Et les solutions décrites ici offrent des solutions variées au financement bancaire classique. Pour des façons de travailler efficacement avec les banques, voir Bank On This.
Endo Networks inc. (60e position) adopte une approche différente à la tâche essentielle consistant à ne pas manquer de liquidités. Peter Day, le président de cette agence de marketing située à Oakville, Ontario, déclare qu’il a adopté sa propre méthode pour gérer cette ironie amère : « Les clients sont tellement satisfaits de ce que vous leur fournissez qu’ils vous accordent rapidement des contrats croissants. Puis soudainement, vous vous retrouvez face à une crise de liquidité qui menace de vous ruiner. »
Endo a fait face à ce défi lorsque la taille des projets de son plus gros client est passée de moins de 200 000 $ à plus de 4 millions de dollars. Pour plusieurs de ses autres clients, les projets ont augmenté d’au moins dix fois. Sa solution a été d’amorcer une discussion franche avec ses clients à propos des projets qui causeraient une pression considérable sur les liquidités de l’entreprise. Les représentants d’Endo soulignent gentiment que leur firme aura besoin de financement externe afin de couvrir les dépenses importantes et que cette dépense de financement sera ajoutée à sa facture, à moins que le client et le fournisseur ne s’entendent pour trouver des façons de réduire ou d’éliminer ces coûts.
Plusieurs entreprises de Profit 200 se sont tournées vers une solution de rechange pour relever le défi du financement : les prêts à terme, mais pas d’une banque à charte. Matthew Horne, de Deco Windshield Repair inc. (21e position) explique ce que plusieurs entrepreneurs déplorent au sujet des banques à charte : « Le gestionnaire de compte nous apprécie, nous et notre entreprise. Puis, il remet notre demande de prêt au département du crédit, et c’est toujours refusé. »
Horne, dont le surnom est Capitaine Orange chez Deco, basé à Calgary, affirme que le département du crédit regroupe ses activités de kiosques mobiles de réparation de pare-brise dans la catégorie services et entretien automobile, même si Deco n’a pas la taille ou les actifs matériels typiques de cette catégorie. Deco. Les évaluateurs de crédit voient l’absence de dette de Deco comme un point négatif, parce que l’entreprise n’a pas utilisé de dette pour faire croître l’entreprise.
Un diplômé en finance de l’Université de Calgary qui faisait un stage chez Deco a ouvert les yeux de Horne sur une solution de rechange qu’il n’avait pas considérée : la Banque du développement du Canada (la BDC a financé 23 % des entreprises de Profit 200). Horne mentionne que la société d’État a évalué son entreprise de façon plus générale que les banques traditionnelles, notamment en tenant compte de la personnalité du propriétaire, ainsi que des marges brutes et des revenus par employé croissants. « Ils pouvaient voir que nous n’éprouvions pas de difficultés et que manifestement, nous croissions autant que nous pouvions nous le permettre », dit Home.
Pour de nombreux entrepreneurs, le plus grand défi à obtenir du financement est de trouver quelqu’un qui comprend vraiment ce que fait leur entreprise. Christopher Walker a relevé ce défi en 2005, lorsque son entreprise, CCL Financial inc. (31e position), a commencé à racheter des dettes impayées et à percevoir les débiteurs pour son propre compte.
Walker, président et chef de la direction chez CCL, déclare que lorsque CCL cherchait du financement bancaire, « Nous avons vu des regards pétrifiés; ils se demandaient pourquoi nous voulions racheter des dettes déjà radiées des livres comptables. »
CCL a fini par obtenir du financement de KRG Capital Partners, une société d’investissement privé située à Denver. KRG a tellement aimé les rendements qu’au lieu de retirer ses billes de CCL en 2009 comme prévu, elle a investi davantage. Ce soutien durable a été une des clés de la croissance rapide de CCL.
« Durable » est un mot rarement associé au financement par les fournisseurs. La plupart des entreprises exploitent cette source ad hoc, se heurtant à une période difficile avant de demander à un fournisseur plus de temps pour payer. Mais, Douglas Grosfield, président et chef de la direction de Xylotek Solutions inc. (142e position), a adopté une approche différente par rapport à ce type de financement, ce qui a donné à son entreprise une source de capital importante et durable.
En 2005, Grosfield a cofondé Xylotek, un revendeur et consultant informatique de Cambridge, Ontario. Son partenaire et lui avaient démarré en lion en obtenant une commande de matériel informatique valant 250 000 $. Mais, ils n’avaient ni l’argent pour payer ni d’antécédents de crédit. Grosfield, président et chef de la direction de Xylotek déclare : « Nous avions besoin de quelqu’un pour nous soutenir avec du financement sans modalités ou taux d’intérêt punitifs. »
Les partenaires ont trouvé ce crédit en promettant à Ingram Micro, un géant de la vente en gros de produits informatiques, que Xylotek achèterait exclusivement d’Ingram dans toutes les catégories qu’elle fournit, en échange du financement de cet achat. La grande expérience des partenaires dans le secteur a contribué à persuader Ingram de prendre le risque d’octroyer du crédit à une entreprise en démarrage.
Grosfield mentionne qu’en fin de compte, « Ils ont écouté leur instinct, et nous avons semblé dignes de confiance. Nous avons récompensé leur confiance en nous par une fidélité continue et des transactions de plus en plus importantes » qui s’élèvent maintenant à quelques millions de dollars par an. « Sans ce genre de confiance mutuelle et de partage de risques, explique Grosfield, nous n’aurions pas pu établir de relations avec des clients pour des projets d’une envergure suffisante pour apparaître sur la liste de Profit 200. »
Martin Lamontagne indique que, quelle que soit la source de financement utilisée par votre entreprise pour alimenter sa croissance, il est essentiel de reviser régulièrement votre financement, afin de déterminer si vous tirez le meilleur parti de chaque source. « Beaucoup d’entrepreneurs pensent que leur besoin de financement diminuera au fur et à mesure de leur croissance, affirme Lamontagne, président et chef de direction de Creaform inc. (175e position), mais au contraire : plus vous vendez, plus vous avez besoin de financement. »
À l’instar de nombreuses entreprises, le développeur de technologie de numérisation 3D de Lévis, Québec, s’est débattu à ses débuts pour attirer des capitaux. « Lorsque nous avons fondé Creaform en 2002, nous étions prêts à céder une participation de 30 % de notre capital-actions pour 300 000 $, mais nous n’avons trouvé aucun investisseur », se rappelle Lamontagne. Creaform a donc plutôt démarré avec un prêt de 50 000 $ provenant de son agence locale de développement économique, ainsi qu’avec un second prêt hypothécaire sur les résidences des cofondateurs.
En 2004, l’entreprise avait attiré un investisseur en capital de risque. Depuis, Creaform a utilisé une longue liste de sources de financement, incluant deux autres investisseurs en capital de risque, des crédits d’impôt de RS&DE, des investisseurs privés, des clients, des prêts bancaires, des cartes de crédit et deux programmes d’une société de développement économique du Québec.
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Traduit et adapté par Emergex de : www.canadianbusiness.com/innovation/dollars-and-sense