Tiré du Journal
Les Affaires, 21 décembre 1996, signé par Yan Barcelo
Les câblodistributeurs ont pris les devants dans la poursuite de la vitesse, notamment du côté de Cogeco
Pris dans l’engouement d’Internet, plus que toute autre chose, c’est un supplément de vitesse que les internautes réclament en premier lieu. Bonne nouvelle : la plomberie qui permet enfin cette accélération se met en place à un rythme accéléré. Mauvaise nouvelle : il faudra patienter encore un an ou deux avant qu’une majorité d’internautes puissent en profiter.
Il ne fait pas de doute que ce sont les câblodistributeurs qui ont pris les devants dans la poursuite de la vitesse, notamment du côté de Cogeco. Denis Bélanger, vice-président, ingénierie et développement, chez Cogeco Câble, nous affirme que 50 % du réseau de Cogeco est maintenant doté de la capacité bidirectionnelle, donc capable d’offrir le service Internet ;a la vitesse de 500 Mbs. Sur le territoire québécois, par contre, cette proportion tombe à environ 30 %. « Il n’y a pas un seul grand câblodistributeur qui puisse se vanter d’avoir rendu bidirectionnel à ce jour 50 % de son réseau », a indiqué M. Bélanger. La compagnie prévoit que 75 % de ses abonnés seront rejoints par des réseaux bidirectionnels d’ici au 31 août 1997, et 100 % au 31 août 1998.
Pour l’instant, les principales installations bidirectionnelles se sont faites dans des villes comme Trois-Rivières, Shawinigan, Drummondville, Saint-Hyacinthe et Rimouski.
Du côté de Vidéotron, l’installation du bidirectionnel s’achèvera environ un an plus tard que chez Cogeco. Pierre Savignac, chef de produit, Internet, chez Vidéotron, annonce que le dernier lien bidirectionnel entrera en fonction quelque part au cours de 1999. La région de Montréal, pour sa part, sera « bidirectionnalisée » dans les 12 à 18 prochain mois.
Pour l’instant, des morceaux significatifs du réseau de Vidéotron autour de Montréal offrent le lien Internet haute vitesse par modem-câble. C’est le cas à Brossard, par exemple, à Outremont, Lachine, Greenfield Park, Notre-Dame-de-Grâce, Saint-Lambert et Lorraine. Les prochaines zones visées sont, pour la région de Montréal, Côtes-des-Neiges et Repentigny, en province, Chicoutimi.
Multiplier les cellules
On objecte souvent, du côté des compagnies de téléphonie, que le réseau du câble n’est pas vraiment approprié pour la grande vitesse. Parce qu’il s’agit d’un réseau partagé, dit-on, tout nouvel abonné contribue à réduire d’un cran la vitesse de transfert.
Balivernes, répondent les « câblos ». Le problème n’existe qu’en théorie, dans la mesure où on continuerait d’empiler indéfiniment les abonnés dans la même cellule de circulation. Pour éviter cela, il suffit de multiplier les cellules. Ainsi, à partir de la tête de réseau dans une localité, les câblos étendent ce qu’on pourrait appeler un « réseau local » sur lequel ils ne greffent pas plus de 300 abonnés (50 par fréquences de transmission, sur six fréquences distinctes). Dès que s’amène le 301e abonné, ils ouvrent tout simplement une nouvelle tête avec son propre « réseau local », sur lequel ils ne grefferont pas plus que 300 autres abonnés.
Chez Cogeco, par exemple, on a déterminé que, dans les périodes de pointe, en tenant compte d’une répartition normale de la demande, les internautes ne souffrent d’aucune détérioration sensible de la performance jusqu’à la concurrence de 50 abonnés sur une fréquence donnée.
Côté mensualités, le lien de base Internet par modem-câble coûte 39,95 $ chez Cogeco et 49,95 $ chez Vidéotron. S’ajoute entre 70 et 100 $ pour les frais d’installation. La limite de consommation s’élevant au-delà de deux giga-octets, il n’y a pas, à toutes fins pratiques, de frais additionnels de consommation.
Les deux compagnies envisagent également d’offrir un service à haute vitesse aux entreprises, où les vitesses de transmission peuvent, en théorie toujours, s’élever jusqu’à 10 Mbs. Cogeco mène des essais en ce moment à Trois-Rivières auprès de 15 compagnies, tandis que Vidéotron n’a pas arrêté ses choix sur ces services d’affaires.
Venu du ciel
Dans la même catégorie de la vitesse de 500 Kbs, on trouve aussi Télésat et son lien DirecPC par satellite. La connexion, avec ce fournisseur, est toutefois tronquée. La réception, qui parvient à l’internaute d’un satellite par l’intermédiaire d’une antenne se fait à haute vitesse. L’envoi, par contre, se fait par la voie téléphonique, soit à la vitesse de 14,4 ou de 28,8 Kbs par modem analogique ou à la vitesse de 64 ou de 128 Kbs par lien numérique RNIS.
Ce lien téléphonique ajoute donc des frais additionnels puisque l’internaute doit payer 19,95 $ pour son abonnement mensuel à DirectPC, en plus de débourser les frais habituels d’abonnements à un fournisseur Internet.
S’ajoute aussi le coût additionnel de l’antenne, et de son installation, qui s’élève à environ 1 000 $. La limite mensuelle de consommation avec DirectPC est fixée à 30 Mbs, chaque Mo additionnel étant facturé 0,80 $ durant les heures d’affluence, 0,60 $ hors affluence.
D’autres formules sont également disponibles, notamment pour les entreprises. Le service Surfeur 1000, par exemple, coûte 300 $ par mois, par usager, et inclut un giga-octet de transfert, chaque heure additionnelle ajoutant 0,30 $ de frais.
Le service de Télésat présente un avantage très net , mais temporaire, face à l’offre des câblodistributeurs. Comme le signale Yves comtois, directeur des ventes au Québec, « tant que le câble-modem n’est pas en place dans une région, DirectPC est le seul à pouvoir offrir immédiatement la vitesse de 500 Kbs ».
1,5 Mbs au domicile
Du côté de Bell Canada, l’offre de vitesse porte le nom de RNIS Z@P, où la vitesse de transfert s’élève à 128 Kbs. Compte tenu de la vitesse de croisière moyenne du net, qui oscille entre 100 et 150 Kbs, l’abonné du service Z@P devrait donc se sentir tout à fait confortable. Pour l’instant la capacité RNIS s’étend à 70 % des abonnés du réseau de Bell sans plus de précision.
Par contre, l’offre de Bell est quelque peu coûteuse comparativement à celle des câblodistributeurs. Le prix de l’abonnement se situe entre 51 et 57 $ (55 $ à Montréal), ce à quoi il faut ajouter l’abonnement à un fournisseur Internet, Sympatico ou autre.
S’ajoutent aussi 495 $ pour l’adapteur RNIS (une sorte de modem ), qu’on insère dans l’ordinateur, et 119 $ pour l’installation. Par contre, Z@P offre l’avantage particulièrement intéressant d’épargner le coût d’une ligne téléphonique puisque la même ligne RNIS sert autant aux communications Internet que téléphoniques.
Vitesse théorique maximum : 54 Mbs
Cependant, la grande vitesse chez Bell viendra avec le service LNPA (Ligne numérique à paire asymétrique; acronyme anglais : ADSL). Au départ, ce service offrira un lien de base de 1,5 Mbs au domicile. On parle d’une vitesse théorique possible de 54 Mbs, mais la chose est encore expérimentale et ne sera pas disponible avant longtemps.
Toutefois, à une telle vitesse de pointe le LNPA offrirait une vitesse de pointe environ quatre fois supérieure à la vitesse maximale que fournissent pour l’instant les câblodistributeurs. Cependant, en théorie, par simple multiplication des bandes de fréquences dans leur fil de transmission, les câblos sont déjà capables de fournir un débit de trois à quatre gigaoctects.
Néanmoins, il faut dire qu’au-delà de 6 Mbs, la question de la vitesse perd beaucoup de son acuité puisque, à cette vitesse, on est capable d’envoyer du film avec une qualité impeccable, au plein rythme de 30 images par secondes.
Contrairement au RNIS, le LNPA est un lien non commuté. D’une façon pratique, cela signifie qu’il offre sa vitesse point à point, non sur l’ensemble du réseau de Bell. Il s’agit donc pour l’abonné du service d’établir un pipeline à haut débit entre lui et son fournisseur Internet.
Présentement en test à Saint-Bruno, le LNPA devrait être commercialisé vers la mi-97, prévoit-on chez Bell. On ne sait rien de la tarification encore. « Les coûts ne sont pas déterminés encore, a affirmé Normand Toupin, porte-parole de la division Inforoutes, mais ils seront concurrentiels par rapport ; à l’offre du câble-modem, je peux vous le garantir. »
Dans la course à la haute vitesse Internet, notons que le début de 1997 devrait voir l’arrivée sur le marché des nouveaux modems analogiques capables d’atteindre 56 Kbs. En vue des 500 Kbs du câble, s’agit-il de grande vitesse ?
Non, mais plusieurs jugeront qu’il s’agit d’un pis-aller valable, offrant quatre fois le débit du modem 14,4 Kbs dont la majorité des internautes sont encore affligés.